Ladys

L'âge de la beauté

Petit garçon, j’ai rencontré beaucoup de vieilles dames. Mes deux grands-mères, très coquettes, invitaient souvent des amies à boire le thé. Aimant beaucoup le thé et les flûtes salées, j’étais la coqueluche de ces dames. Déjà très curieux, j’observais attentivement leur peau, la poudre qui la recouvrait, leur rouge à lèvres, bavant parfois légèrement, leurs yeux agrandis par le fard à paupière, les cheveux mis en plis, parfois chapeautées. Quand elles m’embrassaient j’étais envahi par l’odeur de la poudre un peu talquée ainsi que par celle du rouge à lèvre plus crémeuse. Elles se redressaient et je sentais émaner de leurs vêtements un parfum d’armoire et d’eau de toilette. Tout cela m’impressionnait beaucoup et j’avais peur de garder des traces de rouge ou de poudre sur les joues. En même temps j’aimais bien qu’elles me cajolent, je voulais garder leur image et me promis un jour de les photographier. Quand dans la rue je croisais une femme élégante, apprêtée, je repensais à mes Ladys et à cette promesse d’enfant.

Le temps a filé et je me suis aperçu un jour qu’elles n’étaient plus là. Alors j’ai commencé ma quête de Ladys à immortaliser. J’ai vite compris que si elles acceptaient d'être photographiées je devais le faire de suite. Il y avait un accord fugace, elles étaient surprises, peut-être flattées, mais cela ne durait pas. J’ai décidé de les photographier là où je les rencontrais. J’avais très peur que la lumière ne soit pas parfaite, de passer à côté de leur élégance. J’ai alors acheté un petit appareil extraordinaire, un flash et je me suis lancé.